Renault : comment en est on arrivé là


Nous sommes en 1997 et Renault lance une campagne de publicité qui fera date : « Ca ne marchera jamais ! ». C’est l’une des publicités de lancement du Renault Kangoo, tout nouveau ludospace de la marque. Mais c’est aussi et surtout une démonstration de la position de Renault dans le monde automobile européen de l’époque : celui de leader des tendances. Cette publicité sera tellement marquante qu’elle en deviendra un « même » marketing, politique … toujours utilisé 23 ans plus tard !

Il faut dire que les années 90 réussissent particulièrement à la marque au Losange. Débarrassée des désastreuses ambitions américaines via la revente de AMC en 1987, Renault se concentre alors sur son marché de base : l’Europe.

Une série de modèles inatendus à succès

Après le succès tardif et, il faut bien l’avouer, poussif de l’Espace, Renault se rassure à la fin des années 80 en lançant les Clio et R19, deux succès immédiats. Mais c’est en 1992 que Renault lance une bombe : la Twingo. Conçue sur les ruines d’un projet abandonné plusieurs années plus tôt, la petite citadine innove par son design, son architecture et ses astuces. Le succès sera au rendez-vous. Signe de son succès : le concept sera repris par plusieurs concurents (Citroën C2, VolksWagen Lupo …)

En même temps, Renault soigne sa gamme de berlines classiques. la Safrane deviendra l’incontournable grande berline à la française pour les ministères et les insdustriels. Incontournable au point que les Guignols de l’info de Canal+ lanceront le slogan « Safrane, tapis rouge, podium / podium, tapis rouge, Safrane ». La Laguna première du nom complétera la gamme berline avec tout autant de succès en France. L’Espace 3 consacrera quant à lui, le genre dans le paysage automobile européen avec un positionnement plus haut de gamme.

Le monde de l’automobile ne s’est pas encore remis du succès de la Twingo que Renault présente la Mégane Scenic en 1996, premier monospace compact de l’histoire qui sera élue voiture de l’année 1997. Ce modèle fera en outre un véritable carton en terme de ventes. Et comme jamais 2 sans 3, dés l’année suivante, Renault lance le Kangoo. Alors certes, le Renault Kangoo n’est pas le premier ludospace de l’histoire vu que Citroën a lancé la Berlingo l’année précédente, mais peut on parler de véhicule familiale sans porte pour accéder aux places arrières ? Et oui, plutôt que de faire une fourgonnette « civile », la marque au losange avait creusé plus loin l’aspect pratique. Ainsi le Renault Kangoo sera doté d’une porte latérale arrière contrairement à la Berlingo de Citroën. Ce sera l’épisode de la « guerre des portes ».

Un excellent contact avec le besoin clientèle

L’aspect pratique, la réponse au besoin client va effectivement mener Renault à créer des véhicules différents, parfois clivant. Dans un domaine ou le conservatisme rassure et est gage de standing, Renault va bousculer les codes.

Sur la R4 ou « 4L », le constructeur adopte une porte de coffre allant jusqu’au toit. Celà ne choque personne pour un véhicule qui se voulait rustique et populaire. Mais lorsque la presse découvre la Renault 16, cela fait carrément scandale ! Une berline du segment des routières (segment E) se devait alors d’avoir une malle bien séparée du coffre. Une telle innovation faisait « camionnette », et pourtant ….

La R5 se démarque des tendance de l’époque avec un silhouette en rondeur et simplicité et devient avec la Peugeot 104 la première citadine à être à l’aise sur autoroute. Cependant, l’Espace déroutera à nouveau le marché automobile. Soumis par Matra, ce véhicule d’un nouveau genre est parfaitement adapté aux usages d’une famille mais prendra du temps à s’imposer …

On remarque que les innovations de Renault ne sont pas strictement des nouveauté technologiques à la manière de Citroën, mais essentiellement des astuces et de nouvelles manières de penser l’automobile pour correspondre aux usages clients du moment. Et c’est justement cette approche qui atteint son apogée dans les années 90.

La qualité en dents de scie : les années 2000

En cette fin des années 90, c’est tout en confiance que Renault renouvelle sa gamme de véhicules tout en parachevant la domination des monospaces. Le constructeur souhaite apporter à sa gamme un design « à la française » inspirée du concept « initial » de 1995 ainsi qu’une sérieuse remise à niveau technologique. En plus du rapprochement avec Nissan, les années 2000 doivent transformer l’essai.

Mais rien ne va se passer comme prévue :

  • Le projet X89 de remplacement de la Twingo doit être abandonné presque au dernier moment. La raison serait le coût du projet (un autre projet le remplacera plus tard)
  • La Clio 2 n’a pas les armes pour luter contre la Peugeot 206
  • La Vel Satis ne rencontrera même pas le succès en France
  • Le Renault Modus, monospace de segment B, aura un succès modeste
  • L’Avantime sera aussi un échec commercial et signera la fin des automobiles Matra
  • Le projet X44, la direction du groupe décidera de retardé la sortie du véhicule. Celle-ci réclame un nouveau dessin pour celle qui deviendra la Twingo 2

Mais la vrai crise au Technocentre va venir des problèmes de fiabilité qui touchent les modèles qui se vendent bien. Celà concerne surtout les Mégane, Scénic et Laguna. L’architecture électronique pose de nombreux problèmes, tout comme certains moteurs DCI. Sur ces derniers, les vannes EGR s’encrassent facilement. La pression sur les équipes est très forte et l’entreprise connait même une vague de suicides au cours de la décennie 2000.

Quelques succès

Le vrai succès de Renault à ce moment là est la relance de la marque Roumaine Dacia. La Dacia Logan marquera un nouveau standard de minimum automobile et relancera l’idée d’une voiture populaire et low cost.

L’autre succès est le lancement d’une gamme « Renault Sport » qui rencontrera rapidement un communauté de passionnés. Les Clio RS et Mégane RS sont parmi le plus réputées des pistes de circuits européens.

2006-2010 : La qualité plutôt que l’originalité

Pour la troisième génération de ses modèles phares, Renault jouera la sécurité et la réassurance. les lignes se veulent classiques et élégantes mais sans extravagance. La conceptions privilégie la qualité et la rigueur, parfois au prix de l’originalité.

Sur le segment B, l’opération est réussie avec la Clio 3. La troisième génération de Clio reprend la tête de son segment. A l’inverse, la Laguna 3 n’arrivera jamais à reconquérir son public, malgré ses réelles qualités. Sur le segment E, le constructeur ne va même pas se contenter d’un service minimum. La Latitude est un modèle coréen, la Samsung Motors SM5 simplement rebadgée.

2012 – 2018 Retour à la passion ?

Carlos Gohsn recrute à prix d’or le styliste Laurens van den Acker en 2009. Celui-ci s’attelle immédiatement au projets phare du moment : la Clio IV. Il applique son nouveau style au restylage de la twingo 2 et dessine le remplaçant du Renault Modus : le Renault Captur.

Le succès des nouveaux modèle Renault est immédiat. La Clio IV fait tourner les têtes, le Captur fait oublier Modus et ses concurrentes. Cependant, certaines critiques remontent, non pas sur le style, mais sur la qualité perçue. Cette dernière est en retrait par rapport à la génération précédente. Cependant, celà n’a pas d’impact sur les ventes, bien au contraire !

Il ne reste plus qu’à appliquer la formule au segment supérieur … Tout est prévu :SUV, monospace, berline. Enfin presque : les version coupé et cabriolets des segments C et D passent à la trappe pour laisser place aux SUV Kadjar et Koléos. de plus, une nouvelle grande berline, très statutaire remplace la Laguna et la Latitude. Elle se nomme talisman.

Mais la concurrence de Peugeot avec sa nouvelle gamme 308-3008-508-5008 vient au combat non seulement avec un design affûté, mais surtout avec une excellente qualité perçue. La gamme Renault, bien que plus complète, n’a pas les armes pour lutter et voit ses parts de marché sur le segment C et surtout D s’effriter.

2020 – quelle stratégie pour la suite ?

Entre l’évolution rapide des normes, un marché qui se réduit et une concurrence plus affûtée, le nouveau directeur Lucas De Meo aura fort à faire. C’est justement ces défis que nous verront dans un prochain article !